Laure du bout du monde - Magnan
Publié le 13 Avril 2009
Laure du bout du monde
De Pierre Magnan
Première parution: 2006
Edition Folio
293 pages
Marlène rêvait de quitter Eourres, petit village perdu des Hautes-Alpes, aux paysages âpres. Mais lorsqu’elle tombe enceinte, elle se trouve contrainte d’épouser le père, Romain Chabassut. Elle abandonne donc ses rêves pour donner naissance à une fille, petit être fragile qui n’aurait même pas dû survivre. Sa mère éprouve du dégoût pour l’enfant mais tout le reste de la famille fonde de grands espoirs sur elle.
Quatrième de couverture : " - Qu'est-ce que ça veut dire aimer ?
- Je l'ai lu dans un livre, dit Laure.
- À la maison, depuis que je suis né, personne, tu entends bien ? personne ! n'a jamais prononcé ce mot. Le mot aimer et le mot tendresse n'ont jamais fait souche ici. Le bonheur, ajouta le grand-père, c'est une distraction de riches " Voici ce qu'on pense du sentiment à Eourres quand Laure naît. Cette phrase du livre est comme une fiche d'état civil pour Laure qui pèse sept cent cinquante grammes à sa naissance. Pas plus qu'Eourres on ne peut l'inventer parce que seul ce pays pouvait permettre cette naissance. Il est impossible de concevoir, si on ne les a pas vus, ces montagnes, cette géologie démentielle, ce chaos de la fin des temps ou de leur début. Songez au silence, à l'isolement, mais songez à l'obstination de Laure qui à trois ans demande à apprendre à lire et à six conduit le troupeau. Songez à cette petite fille perdue dans ce pays sans grâce qui veut échapper non pas à sa condition mais à son ignorance de la vie. Songez à tout ce qu'elle va devoir braver si elle y parvient.
Laure du bout du monde me permet de découvrir Pierre Magnan, auteur de la maison assassinée, porté à l’écran il y a quelques années et dont je garde un bon souvenir mais dont j’ignorais qu’il était tiré d’un roman.
Laure du bout du monde m’a plus semblé être une chronique romancée de la vie des paysans de Provence à la fin des années cinquante qu’un véritable roman.
La description de la vie des paysans m’a semblée très bien rendue, de façon assez réaliste. Ce sont des histoires que j’aurais pu entendre dans ma famille même si je viens d’une région beaucoup moins rude. Le livre décrit une vie très dure (les enfants travaillent très tôt en plus des heures passées à l’école) et très dangereuse (on n’appelle pas le médecin facilement). En quelques lignes, Magnan parvient à cerner un des plus grands problèmes de la gestion d’une ferme : « On avait planté dix hectares de lavande et tout d’un coup, ça ne se vendait plus. Les spécialistes étaient venus trois ans auparavant dire : « Plantez de la lavande dans ces champs où vous faites pâturer et qui ne rapportent rien ! » Toute la vallée s’y était mise. Mais il y avait des spécialistes dans tous les pays. Il semblait que le monde entier, du bout de l’Asie jusqu’au sud de l’Amérique et du septentrion au cap de Bonne-Espérance, s’était mis à faire de la lavande. Et comme tous les acheteurs se foutaient éperdument que les producteurs des Baronnies vivent ou crèvent, ceux-ci s’étaient précipités vers les essences les moins chères, c’est-à-dire toutes celles du monde entier, sauf celles des Baronnies. ». Laure, l’héroïne de cette histoire n’a pas beaucoup de joies pour compenser car elle est un peu mise à l’écart par sa mère.
J’ai trouvé formidable de retrouver une anecdote qui renvoie à une expérience que j’ai vécue à la mort de mes grands-parents. Je me suis alors trouvée l’héritière d’un magnifique… morceau de chaîne en or. Elle n’avait pas de fermoir et était trop courte pour faire le tour du coup. J’ai alors découvert qu’il était autrefois de coutume de découper les bijoux pour en faire des parts d’héritage. Ma grand-mère avait donc hérité de son morceau (bien évidemment inutilisable en l’état). Magnan utilise ce fait qui devait se produire assez souvent.
La chronique est donc tout à fait réussie. En revanche, j’ai regretté l’absence d’une histoire un peu consistante. Il n’y a qu’une succession d’événements. Les efforts de Laure pour échapper à cette vie ne m’ont pas vraiment suffi. J’ai même commencé à éprouver moins de plaisir quand le récit commence à ne s’intéresser qu’à elle plutôt qu’à l’ensemble de la famille. En outre, dans les cinquante dernières pages, à partir du moment où Laure part poursuivre ses études, il n’y a qu’une succession de difficultés qui finissent par alourdir le propos sans que ça amène grand-chose (sauf le passage où Laure fait tout pour ne pas finir comme sa mère qui éclaire le propos).
Malgré cette fin un peu lourde, j’ai apprécié ma lecture. Je n’exclus pas de lire un autre roman de l’auteur un jour.
Maillon n°4
:
Choix d' Hathaway