Les dames de Cranford - Gaskell
Publié le 28 Novembre 2007
Cranford
De Elizabeth Gaskell
Quatrième de couverture : Cranford raconte les événements et
les activités dans la vie d’un groupe de vieilles filles et de veuves qui se débattent dans une pauvreté de manière digne pour maintenir leurs standards de correction, de décence et d’humanité.
Des histoires d’abnégation du Capitaine Brown, des fiançailles surprenantes, et l’avenir de la jolie mais pauvre Miss Jessie soutiennent une toile de thèmes sérieux mais subtils, incluant le
mouvement des valeurs aristocratiques vers celles des classes moyennes, les sphères séparées et les expériences différentes des hommes et des femmes, et la coexistence curieuse d’anciennes et de
nouvelles coutumes dans une société changeante.
Mrs Gaskell préférait Cranford à toutes ses autres œuvres qui incluent une biographie populaire de son amie Charlotte Brontë. Loué par Charles
Dickens comme étant « charmant et touché par les manières les plus tendres et les plus délicates », le roman demeure un des favoris des étudiants et des passionnés de la littérature du
19è siècle.
Un portrait sensible et émouvant d’une ville de l’ère victorienne, capturée à un moment de transition dans la société anglaise, Cranford fut publié pour la première fois de 1851 à 1853, dans le
magasine de Dickens, « Household Works ». Elizabeth Gaskell a situé ses histoires dans un hameau semblable à celui où elle a grandi, et ses portraits tendres mais sans sensiblerie des
habitants de Cranford offrent une vision réaliste de la vie et des mœurs dans un village de campagne anglais pendant les années 1930.
Les premières pages de description du petit univers de Cranford, village anglais, sont époustouflantes, à la fois très justes et amusantes. Gaskell y décrit la toute puissance des femmes (ou plutôt l’absence des hommes) dans la vie de la communauté et comment par un vocabulaire approprié, on cache le manque d’argent de tous sous un vernis d’élégance linguistique : l’ostentation est « vulgaire » et l’on se doit de faire preuve d’ « élégante économie ». Tout cela est exprimé dans une langue simple, subtile, élégante, sensible et donc magnifique. Gaskell arrive à glisser quelques références à son ami Dickens et à son premier roman, « Pickwick Papers », ce qui date l’intrigue du roman vers 1836-1837.
Gaskell est une fine observatrice de nos petites faiblesses humaines (qui n’ont guère changées depuis lors) et elle les décrit avec un certain humour et beaucoup de tendresse car elle n’exonère pas sa narratrice (le récit est à la première personne) de certaines d’entre elles. On a donc une galerie de portraits très réussis et une succession d’anecdotes savoureuses. Mrs Jamieson est plus réaliste (car moins caricaturale) qu’une Miss Bates, par exemple, chez Jane Austen mais elle a un charmant petit côté ridicule fort plaisant. Un passage sur le destin du « pauvre Peter » est poignant ; celui où la narratrice ironise sur Mrs Jamieson qui bêtifie sur son chien Carlo est jubilatoire : « Dès que Mr Milliner entra, Carlo commença à réclamer, ce que nos bonnes manières nous interdisaient, bien que, j’en suis sûre, nous fussions tout aussi affamées ; et Mrs Jamieson dit qu’elle était certaine que nous lui pardonnerions si elle donnait à son pauvre petit Carlo son thé en premier. (…) puis elle nous dit à quel point le cher petit être était intelligent et sensible ; il reconnaissait très bien la crème et refusait toujours le thé avec du lait seulement : aussi le lait nous était il destiné ; mais nous pensions que nous étions aussi intelligentes et sensibles que Carlo, et nous nous sentîmes comme si l’insulte s’ajoutait à l’injure lorsqu’on nous demanda d’admirer la gratitude qu’il manifestait en remuant la queue pour la crème qui aurait dû nous être destinée. » (Traduction personnelle).
Certes, les fils de la toile tissée par Gaskell finissent par se rejoindre mais il m’a néanmoins manqué une histoire et un fil
conducteur plus consistants pour que ce roman me semble inoubliable. Ce n'est donc peut être pas celui que je conseillerais en premier pour une découverte de cette fabuleuse auteure.
J’ai malgré tout beaucoup apprécié la lecture de cette très belle œuvre littéraire.