Une maison de poupée - Ibsen
Publié le 26 Février 2011
Une maison de poupée
De Henrik Ibsen
Titre original: Et Dukkehjem
Première parution: 1879
Edition GF-Flammarion
246 pages
Nora et Torvald Helmer sont mariés depuis huit ans et ont trois enfants. Après des années financièrement difficiles, le ménage peut enfin mener une vie confortable avec
le nouveau poste de Torvald qui devient directeur de banque. Nora se contente en apparence d'être une épouse délicieuse et frivole que personne ne prend au sérieux, surtout pas Torvald. Mais pour
sauver son mari malade qu'elle aimait, alors qu'ils manquent d'argent pour aller le soigner en Italie, elle n'a pas hésité à agir à son insu en contractant une dette et pire, en faisant un faux
en écriture. Elle s'est tue pendant huit ans, jusqu'au jour où son débiteur menace de tout révéler à son époux.
Quatrième de couverture :
HELMER
"Tu n'as pas été heureuse !
NORA
Non. J'ai été joyeuse, voilà tout. Et tu as toujours été si gentil pour moi. Notre foyer n'a jamais été rien d'autre qu'une salle de récréation. Ici, j'ai été ton épouse-poupée, tout comme à la
maison, j'étais l'enfant-poupée de papa. Et mes enfants, à leur tour, ont été mes poupées. Je trouvais divertissant que tu te mettes à jouer avec moi, tout comme ils trouvent divertissant que je
me mette à jouer avec eux. Voilà ce qu'a été notre mariage, Torvald.
HELMER
Il y a quelque chose de vrai dans ce que tu dis... tout exagéré et outré que ce soit. Mais dorénavant, cela changera. Le temps de la récréation est passé..."
Une maison de poupée est une pièce d'une très grande subtilité qui demanderait de multiples lectures pour qu'on puisse espérer en tirer toute la richesse. Le norvégien Ibsen y fait un portrait assez sombre de la petite bourgeoisie norvégienne de la fin du XIXè siècle. En premier lieu, tout au long de la pièce, on y voit des femmes qui se sacrifient (Mme Linde, l'amie de Nora, s'est mariée pour assurer la subsistance de la famille tandis que Nora doit porter seule sa faute pour ne pas déchoir de son statut de femme-enfant qui plait tant à son mari). Et tout au long de la pièce, on voit à quel point cela finit par devenir destructeur si l'on cantonne les femmes à cela. Ce n'est qu'en ayant une personnalité propre que les femmes pourront s'épanouir en tant qu'épouses et mères. Ce n'est pas révolutionnaire, mais c'est déjà moderne pour l'époque.
Ce qui ressort également tout au long de la pièce, c'est le côté trompeur des apparences. Torvald, l'homme qui aime sa femme ne peut l'accepter que s'il la domine totalement, comme la femme-enfant qu'il a épousée. Il ne peut surtout pas supporter de contrevenir aux règles de la société petite bourgeoise à laquelle il se soumet, changeant d'avis en fonction du risque social. Finalement, c'est Nora, qui n'est pourtant pas un personnage particulièrement enthousiasmant tant elle se comporte comme une enfant, qui se révèle la plus forte des deux. Les autres personnages de la pièce, le Dr Rank, Krogstad et Kristin Linde ne sont pas ce qu'ils semblent être.
Bref, c'est une pièce formidable qui part assez lentement pour monter en puissance aux deuxièmes et troisième actes. Les dialogues sont minimalistes et austères et on voit au final que rien n'est laissé au hasard, chaque réplique est importante (il suffit de voir l'emphase de Nora pour parler de liberté au début de la pièce et de voir à quel point la signification de ce terme évolue pour elle jusqu'à la fin). En outre, malgré cette froideur du style, j'ai trouvé la pièce, surtout la fin, particulièrement émouvante en plus d'être très osée. Je découvre Ibsen avec cette pièce et c'est une rencontre plus que réussie.
"Pendant huit longues années... et même davantage... depuis le premier jour où nous avons fait connaissance, nous n'avons jamais échangé un propos sérieux sur un sujet sérieux."