La reine Victoria - Strachey
Publié le 13 Janvier 2009
La reine Victoria
De Lytton Strachey
Titre original: Queen Victoria
Première parution: 1921
Edition Petite Bibliothèque Payot/Documents
295 pages
Biographie de la reine Victoria
Quatrième de couverture : Reine de Grande-Bretagne et d’Irlande, Victoria accède au trône en 1837, à l’âge de dix-huit ans. Elle témoigne d’un caractère indépendant et énergique et épouse en 1840, malgré l’avis de sa mère, son cousin Albert de Saxe-Cobourg. Initiée à la politique par Lord Melbourne, elle laisse fonctionner le régime parlementaire et essaie surtout d’intervenir en politique étrangère. C’est pendant son règne que la Grande-Bretagne s’installe au premier rang des puissances économiques mondiales et que l’Empire connaît son apogée colonial. Son ministre favori, Disraeli, lui fait donner en 1876 le titre d’impératrice des Indes.
Par son prestige et son autorité, Victoria symbolise l’Angleterre impérialiste et victorieuse.
La célèbre biographie que lui a consacrée Lytton Strachey (1880-1932), l’auteur de Victoriens éminents, se situe en marge des formes traditionnelles du genre. Elle reflète en particulier les préoccupations qui étaient celles du groupe de Bloomsbury, autour de Virginia Woolf et de ses amis.
C’est l’heure des scoops. J’aime la littérature victorienne. L’époque victorienne m’intéresse. J’y trouve un certain nombre de points communs (ou d’opposition) avec notre époque : la méritocratie, la « valeur » travail avaient déjà eu leur heure de gloire mais c’était alors une période d’effervescence économique, liée à l’industrialisation. En revanche, je n’ai pas particulièrement d’intérêt pour le personnage qui a donné son nom à cette période. Le grand mérite de Victoria a été de régner plus de soixante ans et par là même, d’assister à de grands changements dans le fonctionnement de l’économie et des mentalités. Si Lou ne s’était pas attaquée à ce livre de Strachey lors du swap victorien, je n’aurais même pas connu son existence.
L’ouvrage de Strachey est à peine une biographie, plutôt un portrait psychologique où l’humour à froid de l’auteur fait mouche. On n’est pas noyé sous les dates et parfois on a un peu de mal à se resituer dans le temps à cause de certains retours en arrière intempestifs. D’ailleurs, après son mariage avec Albert, c’est lui qui devient le « héros » de l’histoire et Victoria s’efface presque entièrement jusqu’à la mort du prince.
C’est donc très original mais c’est surtout très bien écrit. Il y a un très grand décalage entre le sujet traité (à priori académique) et le ton employé, détaché et ironique en général et faussement emphatique parfois (la mort de Charlotte, première dans l'ordre de succession au trône, au début, est digne d’un opéra, avec toute la grandiloquence qui s'impose de la part des protagonistes).
Visiblement, pour Strachey, Victoria n’est pas seulement le symbole de « l’Angleterre impérialiste et victorieuse » mais surtout celui de la petite bourgeoisie et de l’étroitesse d’esprit. C’est ce dernier trait qui frappe surtout. Elle est capable de se braquer sur une question de personne (et comme l’a vite compris Disraeli, on n’est jamais trop flagorneur pour Victoria : « Tout le monde aime la flatterie et, quand il s’agit de princes, il faut l’étendre avec une truelle. »). En revanche, elle est molle et peu intéressée face aux questions politiques essentielles. Elle est présentée comme orgueilleuse, bornée, incapable de nuance. Il est vrai que son mariage fut un coup d’arrêt à toute possibilité d’amélioration pour elle. Albert a immédiatement pris les rênes dans la couple. Et leur vision de la politique étrangère est assez personnelle, voire familiale (eh oui, quand vos cousins européens sont mêlés à l’affaire, difficile d’être objectif) et peu importe si le reste de l’Angleterre voit d’un mauvais œil l’influence grandissante que les Saxe-Cobourg occupent sur le plan géopolitique international.
C’est un ouvrage clairement à charge mais tout cela est très bien fait, délicieusement ironique et se lit avec plaisir donc, pour son aspect littéraire plus que pour son sujet.
Je trouve toujours le personnage de cette reine inintéressant mais maintenant, je sais pourquoi. Ce que j’ai découvert, c’est un excellent écrivain qui sait faire de ce personnage qu’il montre comme une petite personne assez fade à l’orgueil démesuré, un personnage que l’on suit avec plaisir et ça, ce n’était pas évident. Ce qui fait que même les gens qui, comme moi, ne lisent jamais de biographies, peuvent trouver un certain attrait à cette « biographie » très particulière.
Merci Lou pour le prêt.
PS : la fan de Doctor Who qui sommeille en moi a frétillé à la mention du très fameux « cela ne nous amuse pas », cher à Rose.