Les Temps difficiles - Dickens
Publié le 14 Juillet 2008
Hard Times
De Charles Dickens
Edition Penguin Popular Classics
268 pages
Quatrième de couverture : Mr Gradgrind veut des « faits » ! Et, avec le riche marchand Josiah Bounderby, il veut tranformer Coketown dans un monde de calculs et de mécanisation sans place pour les sentiments. Mais les gens ne sont pas des engrenages et la société n’est pas une machine…
Plus je lis Dickens et plus je l’aime. J’adore son écriture, sa folie douce, sa vivacité, ses emportements lyriques, le mélange de tendresse et d'amertume. J’ai dévoré Les Temps difficiles. C’est un conte moral dans lequel Dickens exprime sa colère face à la façon dont se déroule l’industrialisation de l’Angleterre au milieu du XIXème siècle. Il prend une idée et la pousse à son extrême. Imaginons un monde où seule l’efficacité économique règne, où la statistique l’emporte sur l’empathie et le sentiment. Ses personnages sont comme toujours absolument mémorables, qu’il s’agisse de Mr Gradgrind, qui ne vit que pour les faits et les statistiques (deux de ses enfants s’appellent Adam Smith et Malthus !), y compris pour le mariage de sa fille avec un homme de trente ans son aîné ou de Mr Bounderby qui aime tellement rappeler qu’il est un « self made man ». Face aux faits, Dickens oppose l’imagination et la fantaisie de Sissy, la jeune fille qui a grandi dans un cirque. Il évoque aussi les difficultés des ouvriers à travers le personnage touchant, quoique trop parfait, de Stephen, amoureux de Rachael mais lié à une femme alcoolique dont il ne peut se séparer. Ce roman a été écrit au même moment que Nord et Sud, d’Elizabeth Gaskell, qui parle aussi beaucoup de la condition ouvrière. Je n’ai pu m’empêcher de penser à cet autre roman même s’il est très différent dans son traitement. La vision de Gaskell était certainement mieux informée et plus réaliste, notamment dans sa description des syndicats mais la lecture du Dickens est tout aussi plaisante. Les descriptions de l’ambiance d’une ville industrielle, grise, rythmée par les sirènes de début ou d'arrêt de travail, sont saisissantes dans ces deux romans.
"Les Temps difficiles" n'ont pas d'intrigues multiples comme c'est d'habitude le cas chez Dickens. C’est peut-être aussi un des romans les plus sombres de Dickens mais c’est aussi un des plus beaux grâce à la virtuosité de son écriture. Même si, parfois, le contexte n'est pas facile à comprendre (il y a de nombreuses références à l'utilitarisme), cela n'enlève aucun plaisir à la lecture. Un roman que j’ai envie de relire en le refermant. Ce livre a cependant un gros défaut, il est court (pour du Dickens).
Le premier paragraphe:
"- Or donc, ce qu'il me faut, ce sont des Faits. Vous n'enseignerez à ces garçons et à ces filles que des Faits. Dans la vie on n'a besoin que de Faits. Ne plantez rien d'autre et extirpez tout le reste. Vous ne pouvez former l'esprit d'animaux raisonnables qu'avec des Faits; rien d'autre ne leur sera jamais d'aucune utilité. C'est d'après ce principe que j'élève mes propres enfants et d'après ce principe que j'élève ces enfants-là. Tenez-vous-en aux Faits, Monsieur."