Un cantique pour Leibowitz - Miller
Publié le 8 Février 2008
Un cantique pour Leibowitz
Quatrième de couverture : Devenu moine après la catastrohe nucléaire qui a marqué la fin du XXè siècle, le technicien Leibowitz a fondé un ordre pour sauvegarder les dernières miettes du savoir balayé par la barbarie. Bien plus tard, grâce au travail des adeptes de Saint Leibowitz, c’est une nouvelle Renaissance. Les savants puisent chez les moines le savoir préservé mais souvent mal compris de ses gardiens, et surtout des nouveaux dirigeants, plus avides de puissance que de sagesse. En sorte que l’Histoire menace rapidement de se répéter…
Dans une ambiance qui préfigure celle du Nom de la Rose, d’Umberto Eco, un chef-d’œuvre de la S.F. couronné par le prix Hugo 1961.
Il n’y a pas de héros véritable dans cette œuvre qui est plus la juxtaposition de trois nouvelles qu’un roman. Pourtant, il y a une cohérence d’ensemble qui en fait une histoire suivie et complète. En fait, les trois parties ne se déroulent pas à la même époque : il se passe six cents ans entre chaque événement. La première raconte, dans un monde barbare, la découverte, par un moine, de documents de Leibowitz, fondateur d’un ordre religieux dont la vocation est de protéger le savoir (on comprend pourquoi au fil du roman) et se déroule six cents ans après la catastrophe qui a presque exterminé l’humanité. La deuxième partie, plus sombre, raconte les progrès scientifiques et les interrogations sur le lien entre science et politique qui en découlent. Dans la troisième partie, l’homme a conquis l’espace mais l’histoire menace de se répéter.
Le lien continu entre ces parties, c’est l’abbaye où saint Leibowitz avait trouvé refuge, un mystérieux vieillard et les busards, présents à chaque époque.
Ça faisait bien longtemps qu’un roman de science-fiction ne m’avait pas autant plu. Car en plus d’une bonne histoire, il y a matière à réflexion sur notre monde. C’est fin,
bien écrit, l’histoire est subtile et bien menée. Sur le thème de l’apocalypse nucléaire, on peut toujours s’attendre à quelque chose de très sombre mais, au contraire, ce roman est plein
d’humanisme, à défaut d’être optimiste.
C’est tour à tour drôle ou grave. La première partie notamment est assez amusante avec l’extase provoquée par une vulgaire copie au papier carbone (les moins de 30 ans vont découvrir l’ancêtre très rudimentaire de l’imprimante !), et le personnage de frère Francis, très sensible à l’émotion qui a sur lui un effet particulier.
De plus, l’histoire est intéressante car elle symbolise aussi les peurs d’une époque (le roman date de 1960), celle de la guerre froide et de l’attitude face aux sciences. Si la première a beaucoup évolué depuis, l’incompréhension permanente face aux sciences reste d’actualité, ce qui fait également de ce roman une oeuvre qui donne matière à réflexion encore aujourd’hui. En effet, Un cantique pour Leibowitz pose la question de l’utilisation du savoir et de l’éthique dans la science. Bien sûr, le point de vue des scientifiques n’est pas oublié (n’est-il pas aussi dangereux de refuser la technologie que d’en abuser ?) et c’est ce qui rend le livre encore plus profond, plus intéressant et plus intelligent. Le faire sans être rébarbatif est un tour de force que réussit parfaitement Miller.
Un livre à lire absolument. Je pense même que c’est le genre de roman qu’il faut lire plusieurs fois pour bien en comprendre les subtilités. J’ai par exemple regretté mes
faibles connaissances historiques et religieuses, qui m’ont certainement fait rater des éléments de comparaison avec l’histoire de l’humanité.
« Et au temps des anti-papes, combien d’Ordres schismatiques ont-ils fabriqué leur propre version des événements ? Combien ont fait passer leurs œuvres pour celles d’écrivains d’autrefois ? Vous n’en savez rien, vous n’en pouvez rien savoir. On ne peut nier qu’il y eut autrefois sur ce continent une civilisation plus avancée que la notre. Il n’y a qu’à regarder les décombres, le métal rouillé. On trouve encore leurs routes effondrées sous le sable des déserts. Mais où trouver la preuve qu’ils ont eu ces machines dont parlent vos historiens ? Où sont les restes de voitures se mouvant d’elles-mêmes, de machines volantes ?
- Tout cela est devenu charrues et houes.
- Si cela a existé.
- Si vous en doutez, pourquoi vous occuper des documents Leibowitziens ?
- Parce que doute n’est pas négation. Le doute est un puissant instrument et qui doit être appliqué à l’histoire. »
« La preuve objective est l’ultime autorité. Ceux qui écrivent peuvent mentir, la Nature, jamais. »