Le prisonnier
Publié le 16 Octobre 2009
Le Prisonnier
Grande-Bretagne – 1967 – 17 épisodes
Créée par George Markstein et Patrick McGoohan
Avec Patrick McGoohan
Un agent secret britannique démissionne brutalement. Il est enlevé chez lui, après avoir été anesthésié. À son réveil, il se retrouve dans un lieu qui lui est inconnu, le Village, en apparence idyllique, habité par une communauté de villageois tous vêtus d'habits colorés et d'un badge numéroté les identifiant. Il sera désormais désigné comme le Numéro 6 et mettra tout en oeuvre pour s’évader et découvrir qui se cache derrière cet enlèvement.
J’ai vu la plupart des séries anglaises des années 60 à l’adolescence, dans les années 80 mais je ne sais comment, le Prisonnier, série culte pourtant, m’avait échappée. Et c’est vraiment dommage car c’est selon moi une des meilleures séries de tous les temps, qui équilibre bien aspect psychologique et action.
Dès le début, c’est fait de façon particulièrement intelligente. En réalité, on ne sait rien de ce fameux Prisonnier. Le résumé est présenté de façon silencieuse pendant le générique de début (et rien que mettre un générique aussi long, c’est très culotté). On y voit cet homme dont on devine l’activité sans même connaître son nom, l’enchaînement des événements qui l’amènent au village... mais finalement, tout commence dans le Village. C’est là que tout se passe.
En effet, on voit ce parfait village coloré et fleuri avec ses parfaits habitants. Et là, on comprend rapidement que Numéro 6 avec son costume sombre représente un individualisme inversé (à lui le lugubre aux autres les couleurs et le bonheur permanent, joie de vivre presque obligatoire qui se révélera bien sûr souvent factice), face à une société uniforme et oppressante. La série utilise beaucoup le ressort de l’absurde pour accentuer le sentiment que peut ressentir le Numéro 6. La lutte avec le Numéro 2, symbole d’un pouvoir à la fois changeant et immuable est psychologique et le Numéro 1 est la grande interrogation de la série.
Je pense que ce que j’ai le plus aimé, c’est que la rébellion et l’individualisme du Prisonnier ne sont pas des caprices d’ado attardé. Au contraire, Numéro 6 lutte mais en respectant les règles de la cité. Il ne manque jamais d’adresser la célèbre formule « be seeing you » (« bonjour chez vous »), souvent de manière ironique d’ailleurs. Ainsi, il va jusqu’à se présenter au simulacre d’élection destiné à masquer l’absence de réelle démocratie (le discours sur le droit au temps libre et le ‘moins travailler’ rappellera forcément quelques discours politiques actuels). Différents thèmes sont ainsi abordés. Si certains sont un peu datés comme l’obsession du conditionnement de type pavlovien, qui me semble typiquement de cette période, d’autres restent d’actualité comme l’éducation comme moyen de contrôle ou la justice. On peut regretter un léger essoufflement vers la fin dans quelques épisodes (heureusement, j’adore le western alors l’épisode western quoique assez délirant passe quand même bien mais disons que certains épisodes n’apportent pas grand chose à l’arc narratif) mais il y a toujours suffisamment d’action pour ne pas s’ennuyer.
D’un autre côté, c’est aussi une des séries les plus frustrantes qui soit. Si on aime avoir toutes les réponses apportées sur un plateau à la fin, ce n’est pas la série qu’il faut voir, on en ressort avec autant de questions qu’on y entre. C’est au spectateur de se faire sa propre interprétation (et je soupçonne qu’une vie ne suffirait pas à en étudier tous les aspects).
Au final, si on n’est pas totalement allergique aux images kitsch à la limite du psychédélique, aux effets spéciaux plus que pauvres (d’après les excellents bonus, un robot était prévu comme gardien mais c’est finalement la boule blanche si fameuse qui est présente pour des raisons de coût) et à certains détails datés (les scènes de bagarre sont terriblement artificielles), cette série est exceptionnelle. A voir et à revoir.