Maus - Spiegelman
Publié le 23 Mai 2009
Maus
Un survivant raconte
1. Mon père saigne l’histoire
2. Et c’est là que mes ennuis ont commencé
De Art Spiegelman
Première parution: 1992
Edition Flammarion
159 et 136 pages
Quatrième de couverture : Maus raconte la vie de Vladek Spiegelman, rescapé juif des camps nazis, et de son fils, auteur de bandes dessinées, qui cherche un terrain de réconciliation avec son père, sa terrifiante histoire et l'Histoire. Des portes d'Auschwitz aux trottoirs de New York se déroule en deux temps (les années 30 et les années 70) le récit d'une double survie : celle du père, mais aussi celle du fils, qui se débat pour survivre au survivant. Ici, les Nazis sont des chats et les Juifs des souris.
Quel choc ! Ce roman graphique est une pépite. Il est d’une richesse insoupçonnée. Les témoignages de victimes de l’holocauste sont nombreux mais celui ci est un des plus forts que j’aie pu connaître. Sans doute parce que ce n’est pas qu‘un témoignage mais c’est aussi une oeuvre qui a de grandes qualités dans sa construction et sa mise en forme.
L’idée de transformer les hommes en animaux était risquée mais ça fonctionne de manière excellente. Il y a à la fois une certaine distance qui permet d’être plus dans l’analyse que dans le sentiment (voir une souris morte, même lorsqu’on sait qu’elle représente un humain, n’a pas le même impact sur le ressenti), et un caractère d’accentuation de l’horreur parce que l’humanité ressort pleinement, et rarement pour le meilleur.
L’autre grande réussite d’Art Spiegelman, c’est d’avoir fait alterner le récit de Vladek Spiegelman et le sien. Le roman graphique part sur une idée d’Art Spiegelman, auteur de bande dessinée qui décide de raconter la vie de ses parents, qui ont échappé à l’holocauste. Ses relations avec son père sont difficiles depuis le suicide de sa mère. On n’a pas seulement le récit de la déportation mais plusieurs thèmes parallèles avec de nombreuses digressions au cours du récit.
D’abord, la première partie, Mon père saigne l’histoire, raconte la période qui va du milieu des années trente à l’hiver 44, avec la rencontre de Vladek et Anja, femme fragile et dépressive, la mère d’Artie, leur mariage, leur vie, puis la guerre, l’occupation allemande avec le début de « l’aryanisation » et enfin les tentatives d’échapper à la déportation.
Le deuxième tome, Et c’est là que mes ennuis ont commencé (titre ironique étant donné que le tome 1 n’est déjà qu’une succession « d’ennuis » mais n’est rien par rapport à l’horreur qui s’annonce dans cette partie), raconte la survie dans les camps, Auschwitz d’abord et Dachau ensuite. Art y apparaît également beaucoup plus, dans ses relations à son père mais aussi en tant qu’auteur qui s’interroge sur ce qu’il peut montrer de son père
Car en effet, les deux tomes mettent également bien en lumière les relations difficiles d’Art et de son père. La plus grande réussite du livre réside certainement dans la caractérisation des personnages. Art est un mélange de culpabilité, de gêne et d’amour envers son père. Il faut dire que Vladek a un caractère difficile (un peu acariâtre, avare, raciste...), et son fils se demande bien souvent si le décrire tel qu’il est dans son futur livre est une bonne idée. On assiste donc à d’intéressantes réflexions.
Bref, ce livre est non seulement utile mais c’est surtout une grande oeuvre dont le dessin en noir et blanc est simple mais très agréable. Indispensable !
Il a d’ailleurs obtenu le prix Pulitzer en 1992.