La Marque (Kushiel t.1) - Carey
Publié le 7 Novembre 2008
La Marque
Kushiel, tome 1
De Jacqueline Carey
Titre original: Kushiel’s dart
Première parution: 2001 (prix Locus du premier roman 2002)
Edition Bragelonne
716 pages
Quatrième de couverture : Vendue par sa mère alors qu’elle n’était qu’une enfant, Phèdre nó Delaunay apprend l’histoire, la théologie, la politique, quelques langues étrangères et les arts du plaisir dans la demeure d’un haut personnage de la noblesse, pour le moins énigmatique. Courtisane accomplie et espionne de talent, rien ne paraît la destiner à connaître un destin héroïque. Pourtant, lorsqu’elle découvre par hasard le complot qui pèse sur sa patrie, Terre d’Ange, elle n’a d’autre choix que de passer à l’action. Commence alors pour elle une aventure épique et déchirante, semée d’embûches qu’elle doit toutes surmonter pour sauver sa terre et son peuple.
Le chef-d’œuvre de la Fantasy érotique enfin traduit en français. Entre Terry Goodkind, Robin Hobb et George R.R. Martin, une fresque riche et flamboyante, « un roman historique contant une histoire qui n’a jamais eu lieu » selon le mot de l’auteure.
Récit plein de grandeur, de luxuriance, de sacrifice, de trahison, d’insondables infamies et de conspirations
machiavéliques, La Marque dévoile un monde de poètes vénéneux, de courtisans assassins, de monarques trahis et assiégés, de seigneurs de guerre barbares, de traîtres grandioses… vu par les yeux
d’une héroïne comme vous n’en avez jamais rencontré et que vous n’oublierez jamais
Quand cette histoire de prostituée qui aime la douleur m’a été présentée, ma première réaction a été la méfiance. Ne pas tomber dans la vulgarité ou le glauque avec un tel sujet demande un talent non négligeable. Le masochisme ne m’intéresse vraiment pas, la littérature érotique finit souvent par me sembler assez grotesque et le récit à la première personne aurait pu me gêner doublement en ces circonstances. J’ai donc entamé ma lecture pour me « débarrasser » et je dois dire que j’ai complètement revu mon jugement. L’érotisme réussit à ne jamais tomber dans la vulgarité, ça reste très sobre et élégant malgré la violence de la sexualité de Phèdre.
Quant à l’histoire, elle ne se contente pas d’explorer la sexualité particulière de l’héroïne. Au contraire, complexe, dense, riche, elle est captivante. J’ai moins pensé à Hobb ou à Martin qu’à Guy Gavriel Kay. Comme "les lions d’Al-Rassan", Kushiel se déroule dans un monde imaginaire mais prend autant ses sources dans le roman historique que dans la fantasy. Le monde décrit par Carey ressemble beaucoup à notre Renaissance, mâtinée de périodes plus anciennes, avec les Skaldiques (proches des peuples germaniques) ou les Cruithnes (ressemblant aux Irlandais celtes). J’ai d’ailleurs été frappée de retrouver dans les manières guerrières des Cruithnes des analogies avec ma lecture du récit mythologique "la Razzia des vaches de Cooley", par exemple, la méthode peu stratégique des batailles. Dans ce monde très développé, on assiste à des intrigues de cour, des complots palpitants, qui amènent leur lot d’action mais assez peu de grandes batailles épiques.
Ce n’est pas une lecture si facile que cela, les informations et les personnages y sont nombreux. Il est rare que je consulte un dictionnaire lorsque je lis de la fantasy. J’ai appris un nouveau mot : « algolagnie » (Expression pathologique d'une douleur voluptueuse). En outre, j’avais plaisir à essayer de trouver des analogies avec les différents pays et peuples d’Europe. La lecture en fut donc assez lente mais très agréable. L’écriture est belle, délicate même (voire pompeuse dans certains passages trouveront certains), totalement en accord avec l’ambiance générale, les intrigues, l’érotisme. Ce dernier, utilisé à petite dose et à bon escient, s’efface peu à peu pour laisser place à l’intrigue. Phèdre est un personnage complexe et attachant car sa faculté à éprouver du plaisir dans la douleur peut s’accompagner d’un sentiment de culpabilité et chaque étape franchie se paie au prix d’une grande perte. Elle est entourée de personnages tous intéressants : ses amis Alcuin et Hyacinthe, un Tsingano au don de voyance ; Joscelin, un moine guerrier ; et bien sûr Delaunay son maître. Même les méchants sont réussis.
Attention cependant, l’auteur s’attache beaucoup au détail et les amateurs d’action pure y trouveront peut-être moins leur compte. En revanche, ceux qui aiment que
l’action se déroule dans un monde construit et crédible devraient aimer. J’y ai trouvé quelques petites longueurs surtout dans la période d’initiation de Phèdre puis aux deux tiers du roman mais
c’est malgré tout un excellent roman de fantasy, peut-être un des meilleurs que j’aie jamais lus (ce n’est pas mon genre de prédilection), surtout par son écriture. D'ailleurs, j'ai découvert
après ma lecture que ce roman avait obtenu le prix Locus du premier roman.