Avec vue sur l'Arno - Forster
Publié le 16 Octobre 2008
Avec vue sur l’Arno
De Edward Morgan Forster
Titre original: A room with a view
Première parution: 1908
Edition 10/18
287 pages
Quatrième de couverture : Entre un baiser volé parmi les cataractes de violettes sur les ravins de Fiesole, un baiser raté par un fiancé au pince-nez
d’or, et un baiser repris par un amoureux passionné dans un sentier étroit, la jeune Lucy se libérera du carcan victorien de son existence convenue pour devenir un superbe personnage de roman qui
devrait faire rêver les lecteurs des années 80 comme il enthousiasma ceux des années 10.
Comme toute jeune anglaise du début du vingtième siècle qui se respecte, Lucy Honeychurch va à Florence pour parfaire son érudition. Bien entendu, elle ne peut voyager qu’accompagnée d’un chaperon (en l’occurrence, sa cousine Charlotte) et ne se sépare jamais de son Baedeker, le guide touristique de référence. Pour Lucy, ce voyage va être le début de quelque chose de nouveau, d’une ouverture résumée par cette phrase : « Puis le charme pernicieux de l’Italie agit sur elle et, au lieu d’acquérir de l’érudition, elle se mit à être heureuse. »
Eduquée selon des valeurs traditionnelles de la fin de l'époque victorienne, Lucy va rencontrer les Emerson, qui font preuve d’une grande indélicatesse en proposant d’échanger leurs chambres avec les deux cousines afin que celles-ci puissent bénéficier d’une vue sur l’Arno. Dans le monde de Lucy, cela ne se fait pas. D’autant plus que le père comme le fils sont des parvenus et des anti-conformistes, donc infréquentables.
Voici le point de départ du cheminement intérieur de Lucy. Ces deux mondes opposés vont ensuite se retrouver en Angleterre et Lucy va être amenée à s’interroger sur ses sentiments et sur ce qu’elle attend de la vie et de son mariage programmé avec Cecil Vyse, symbole d’érudition mais également du rapport victorien entre les hommes et les femmes, synonyme d’enfermement psychologique.
Quelle belle surprise ! J’ai été charmée par l’écriture de ce roman dont je connaissais déjà la trame pour avoir vu Chambre avec vue, la magnifique adaptation de James Ivory. Je craignais une lecture fastidieuse, et j’ai immédiatement compris qu’il n’en serait rien. C’est délicat, c’est ironique, c’est fin, bref, c’est magnifique ! Il n’y a pas une phrase en trop. Tout est ciselé à la perfection. On suit le cheminement intérieur de Lucy, on le comprend parfaitement. A travers ce magnifique portrait, c’est le glissement d’une époque à une autre, celle de l’époque victorienne à la période où les femmes vont acquérir plus de liberté, une plus grande dose d’indépendance. C’est un roman de formation, de découverte de soi qu’il faut lire absolument !
« Mais son genre est de ceux qu’on désapprouve plutôt qu’on ne les déplore. Dès son arrivée ici il nous a bien un peu hérissés, et, j’ose affirmer, non sans raison. Il n’a ni tact ni manières et ne sait pas garder ses opinions pour lui. Nous avons été sur le point d’adresser à son sujet une plainte à la pauvre Signora, mais, tout bien pensé, nous nous sommes abstenus et j’en suis heureux aujourd’hui.
- Dois-je en conclure, dit Miss Bartlett, que c’est un socialiste ? »