La Razzia des vaches de Cooley
Publié le 22 Mai 2008
La Razzia des vaches de Cooley
De Anonyme
Gallimard
325 pages
Quatrième de couverture : "Au temps fabuleux de l'Irlande préchrétienne, quand régnaient sur l'Ulster les rois guerriers et les druides, et le grand Conchobar, mort de colère, selon la légende, en apprenant la crucifixion du Christ, une simple dispute entre le roi Ailill et la reine Medb à propos d'un taureau manquant engendra une guerre violente et sans merci qui bouleversa tout le pays du nord au sud. Tel est le sujet de la Táin Bó Cúalnge, la "Razzia des Vaches de Cooley", l'un des grands livres fondateurs de l'Irlande, témoignage unique sur la civilisation celtique si méconnue, dont Christian Guyonvarc'h nous donne aujourd'hui l'admirable traduction.
Au coeur du récit, Setanta, fils de Sualtam, surnommé Cúchulainn ("celui qui a vaincu le chien du forgeron"), est le héros absolu des Gaëls, l'égal d'Achille, d'Héraklès et de Mithra. Eternellement jeune et beau, il est muni de tous les dons - y compris celui de la magie. Il entre dans la guerre, animé par la ferg, la fureur guerrière qui peut faire bouillir "haut comme le poing" l'eau des baquets, son corps bandé comme l'arc qui couvre le ciel après la pluie, son oeil unique dardé, et brandissant l'arme invincible, le "javelot-foudre".
Mais la Táin Bó Cúalnge conte tout autre chose qu'une simple razzia. Elle conte la fondation de la terre d'Irlande, ses villages, ses rivières et ses gués, ses collines et ses pâturages. Elle conte la mémoire qui unit les Gaëls aux anciens guerriers pasteurs venus d'au-delà des Carpathes. Cúchulainn, après avoir triomphé de ses ennemis, meurt trahi par la magie des sorcières. Avec lui disparaît l'ordre mythique, aboli par l'arrivée en Irlande du premier missionnaire et dernier des druides, saint Patrick.
Rare survivante d'une extraordinaire civilisation, qui avait traversé les âges au rythme lent des bêtes à cornes, la Táin Bó Cúalnge nous fait accéder au mystère de la création mythique et à l'envoûtement de la langue celtique, comme à l'une des sources les plus pures de la civilisation occidentale." J.M.G. Le Clézio.
“La Razzia des vaches de Cooley” est un texte irlandais dont la plus ancienne version écrite connue remonte au Xème ou XIème siècle. N’étant pas très habituée à ce genre littéraire, je ne peux en parler qu’avec une grande difficulté. Je pourrais dire que c’est « intéressant », ce qui en général signifie que c’est ennuyeux comme un jour de pluie. En fait, ennuyeux n’est pas le terme ici car je ne regrette pas cette lecture mais c’est surtout difficile à lire pour notre époque. Pour vous donner une idée du style, voici le début :
« [Il arriva] une fois à Ailill et à Medb, après qu’on leur eut préparé leur lit royal dans la forteresse de Cruachan du Connaught, d’avoir entre eux une dispute sur l’oreiller.
« C’est une parole vraie, ô fille, dit Ailill : c’est une femme bonne que la femme d’un homme noble. – Elle est bonne, en vérité, dit la fille, d’où cela te vient-il ? – Cela me vient, dit Ailill, de ce que tu es meilleure aujourd’hui qu’au jour où je t’ai prise. J’étais bonne avant toi, dit Medb. – C’est un bien dont nous n’avons pas entendu parler et dont nous n’avons rien su, dit Ailill, si ce n’est que tu étais sur bien de femme et que les ennemis des territoires les plus proches étaient toujours à voler ce qu’il y avait chez toi à voler et à piller. – Je n’étais pas ainsi, dit Medb, mais mon père était dans la haute royauté d’Irlande, à savoir Eochu Feidleich, fils de Find, fils de Findoman, fils de Findén, fils de Findguin, fils de Rogen Ruad, fils de Rigén, fils de Blacthacht, fils d’Enna Agnech, fils d’Oengus Turbech. Il avait six filles : Derbriu, Ethi et Ele, Clothru, Mugain, Medb. C’est moi qui était la plus noble et la plus distinguée d’entre elles. J’étais la meilleure pour la grâce et la générosité ; j’étais la meilleure à la bataille, au combat et à la contestation. »
Et encore, je vous épargne les notes explicatives, utiles voire nécessaires, mais ralentissant considérablement la lecture par leur nombre et leur longueur. Cependant, ça devient plus facile à lire au fur et à mesure, question d’habitude, sans doute.
Ce qui m’a surtout posé problème est le côté répétitif de l’action. Ici, comme dans tous ces textes médiévaux, les personnages sont basiques et n’ont aucune dimension psychologique, seule la recherche de la puissance et de la gloire compte. Cuchulainn voit un ennemi venir le défier, on assiste toujours à peu près au même dialogue et puis l’ennemi se retrouve la tête tranchée. Enfin, il y a des variantes, parfois il y a plusieurs ennemis et Cuchulainn tranche alors plusieurs têtes à la fois, ou alors il tranche aussi une autre partie du corps ou il tranche à la verticale. On peut admirer l’exploit technique (j’ai déjà du mal à trancher une demi baguette dans le sens de la longueur alors forcément, je suis admirative), mais de là à relancer l’intérêt, ça ne suffit pas.
J’ai quand même trouvé certains passages très intéressants car ils en disent beaucoup sur la culture celte. J’ai d’ailleurs été surprise par une certaine liberté sexuelle qui semble être acceptée chez les femmes nobles. En fin de compte, ce sont les passages descriptifs que j’ai le plus appréciés car ils permettent une certaine respiration entre les scènes répétitives de combat et montrent la vision du monde des celtes irlandais.
L’intérêt principal que j’y ai trouvé, c’est que, comme l’Edda (que j’ai aimé) et les Saga (que je n’arrive pas à finir), cette vision mythique du monde est l’ancêtre lointain de la fantasy d’aujourd’hui. Je suis d’ailleurs surprise qu’aucun auteur contemporain (à ma connaissance) n’ait écrit un roman basé sur ce héros, alors que le personnage d’Arthur est si souvent repris. L’histoire de la Razzia a pourtant un potentiel dramatique et héroïque qui me semble correspondre aux thèmes de la fantasy.
N.B.: Il existe une version de la légende de Cuchulainn écrite par Lady Gregory (grande amie du poète W.B. Yeats) que je possède (en version anglaise) mais que je n'ai pas encore lue.