Les Lions d'Al-Rassan - Kay
Publié le 30 Décembre 2007
Les Lions d’Al-Rassan
De Guy Gavriel Kay
Quatrième de couverture: Depuis l'assassinat, quinze ans auparavant, du dernier khalife, l'empire d'Al-Rassan est éclaté en cités-états rivales. Dans ce climat troublé, la discorde règne, et inlassablement se querellent asharites, adorateurs des étoiles d'Ashar, kindaths et jaddites, les fils du Dieu-soleil Jad. Il est cependant une menace plus grande encore qui pèse sur le royaume: Au Nord, les anciens monarques d'Espéragne semblent s'organiser pour lancer une guerre sainte de reconquête. C'est dans ce contexte instable que trois destinées d'exception vont se croiser. Trois êtres que tout oppose : Rodrigo Belmonte, le prestigieux chef de guerre jaddite, Jehane brillant médecin kindath, et Ammar Ibn Khairan, le poète asharite, celui-là même qui jadis assassina le khalife...
L’écriture de Kay est brillante (probablement le livre de fantasy le mieux écrit que j’aie jamais lu) mais je n’arrive pas toujours à être emportée par le récit et surtout à m’attacher aux personnages. C’était déjà un peu le cas dans la Tapisserie de Fionavar du même auteur. Même si ça reste assez fort pour qu’on ne décroche pas, je trouve toujours un certain manque de spontanéité dans les actions comme dans les dialogues. Tout se passe précisément comme prévu. Du coup, il devient un peu difficile d’avoir une véritable empathie à l’égard les personnages. Ici, les seuls qui finissent par vraiment m’émouvoir sont Alvar et surtout Husari, le marchand de soie, un personnage secondaire, qui se bonifie au fil du roman.
Néanmoins, l’histoire et son contexte sont passionnants. Cette transposition de la Reconquista espagnole dans un pays imaginaire est intelligente et bien menée. Les relations tendues entre les religions (et parfois l’utilisation politique autant que religieuse qui en est faite) sont particulièrement pertinentes. Il n’y a pas énormément d’action. On assiste avant tout sur les intrigues de palais (il ne s’agit pas seulement de batailles territoriales mais aussi beaucoup de luttes intestines) et sur les stratégies qui s’affinent pour la guerre qui approche. J’ai trouvé cette partie un peu longue mais pas ennuyeuse car logique en fait.
Et puis, si au début, les forces en présence sont très nombreuses (la lecture demande de la concentration pour ne pas se perdre dans les lieux et les personnages) et que la situation se met alors en place assez lentement, les 200 dernières pages sont tout de même trépidantes et formidables, grandioses et épiques. Et le chapitre XIV est brillantissime. Toutes les faiblesses éventuelles sont rachetées par le suspense de cette partie. Kay est vraiment très fort pour le teasing. Un évènement se produit. On en sait tout, sauf le nom de la personne concernée. Jamais les dix pages qui suivent un évènement ne m’ont parues aussi longues. On a le temps d’envisager toutes les hypothèses possibles et d‘être surpris en fin de compte. C’est mené à la perfection. La fin est incertaine et donc palpitante. Le dernier chapitre, avant l’épilogue est une torture (du teasing encore).
Malgré mes quelques réserves sur les personnages, je dois donc reconnaître qu’on a ici affaire à un bon roman qui sait nouer les fils qui vont mener à un final grandiose.
A noter: le roman est traduit par une auteure de fantasy, Elisabeth Vonarburg. Je n’ai rien lu d’elle jusqu’à présent mais si elle écrit aussi bien qu’elle traduit, ses œuvres doivent être intéressantes.