Messieurs Ma, père et fils - Lao She
Publié le 2 Septembre 2007
Messieurs Ma, père et fils
De Lao She
Quatrième de couverture: Le vieux Ma n’est guère enthousiaste de devoir partir en Europe – à Londres, plus
précisément – où son frère lui a légué un magasin d’antiquités. Quant à son fils, Ma Wei, il tombe éperdument amoureux de la fille de leur logeuse, la très respectable veuve Window. Les
tribulations de nos deux chinois dans la capitale britannique sont contées par Lao She avec un humour féroce, et sans doute bien informé, puisque lui-même y séjourna de 1924 à 1929. Comment
concilier la digne image de Messieurs Ma, père et fils avec celle de ces « diables à face jaune » qui fument l’opium, s’adonnent au trafic d’armes, cachent sous leur lit les victimes qu’ils ont
tuées et violent les femmes sans distinction? L’abîme d’incompréhension et de préjugés qui les sépare de la population locale, s’il donne lieu à maintes scènes d’une drôlerie irrésistible, n’en
laisse pas moins flotter une ombre de tristesse sur la réussite de leurs projets.
Messieurs Ma est une succession de scènes toutes plus amusantes les unes que les autres. En 400 pages, Lao She, l’auteur du parfait «Quatre générations sous un même toit» nous trace de beaux portraits de ces deux immigrants chinois dans les années 20, pas toujours reluisants mais toujours drôles.
Lao She est très acerbe vis-à-vis du comportement des anglais à l’égard des étrangers: « Au XXe siècle, un homme valait ce que valait son pays: si son pays était fort, il méritait d’être appelé un « homme », s’il était faible, c’était un chien! ». Et c’est vrai que les anglais du roman sont souvent ignobles (le pasteur missionnaire en tête). Mais Lao She est également très critique vis-à-vis des chinois, qui, pour lui, doivent moderniser leur mode de vie et cesser de vivre dans le passé. Le vieux Ma, le père, incarnation de cette "vieille" Chine est effectivement désespérant: il a toujours vécu aux crochets de son frère antiquaire mais méprise le commerce et il pousse l’obligation de politesse chinoise jusqu’à se laisser insulter en souriant.
Derrière l’humour se cache donc un constat assez triste mais c’est aussi le portrait d’une époque de mutations profondes de la société, après le traumatisme de la guerre, les jeunes anglais aspirent à plus de liberté et les jeunes chinois rêvent d’une Chine fière et entreprenante. Ce renouveau est incarné par Ma Wei, par le pragmatique Li Zirong, l’employé des Ma et par Kate Evans, la fille du pasteur.
Moins « exotique » que d’autres romans du même auteur puisque l'action se déroule à Londres, Messieurs Ma est néanmoins l’un des plus réussis.