Le Mystère d'Edwin Drood - Dickens
Publié le 31 Août 2007
Le jeune et affable Edwin Drood, en apparence comblé par la sollicitude de son oncle John Jasper, maître de chœur à la
cathédrale de Cloisterham, ainsi que par la perspective d'un mariage avec sa camarade orpheline Rosa Bud, disparaît.
Jasper, dont le comportement est étrange et qui est secrètement amoureux de Rosa, mène tout d'abord l'enquête sur le sort de son neveu
et ses soupçons se dirigent vers l'irascible Neville Landless, arrivé récemment à Cloisterham avec sa sœur Helena. Mais le sympathique chanoine Crisparkle est convaincu de l'innocence du jeune
homme.
Le Mystère d'Edwin Drood est le dernier roman de Dickens, mort alors qu'il en avait rédigé la moitié, environ 300 pages. Evidemment, je le savais mais étant plutôt du genre poissarde, j'ai trouvé le début génial et j'ai donc subi un supplice effroyable lorsque j'ai tourné une page pour me rendre compte… qu'il ne restait que 10 lignes, et que le mystère n'était pas résolu, loin de là. Le problème avec la Pléiade, c'est qu'il y a 200 pages de notes, alors j'ai été prise par surprise. Qu'est-il arrivé à Edwin Drood? Que va-t-il arriver à Neville, à Rosa… et à tous les autres? Qui est le mystérieux Datchery qui s'intéresse à Jasper? C'est vraiment trop injuste! Tout ça pour dire qu'il faut éviter les romans inachevés (enfin quand ils sont bons). C'est vrai que je ne l'aurais pas lu maintenant s'il n'avait pas été à la suite de l'Ami Commun et que je n'avais pas revu il y a peu un épisode de Doctor Who dans lequel il y est fait référence.
Il y a dans ce roman tout ce que j'aime chez Dickens, ses descriptions hallucinantes, ses personnages nombreux et
improbables, ses péripéties pleines d'imagination (et de digressions qui partent dans tous les sens). Et puis, pour la première fois, c'est une franche incursion dans le domaine de la littérature
policière de la part de Dickens, même si le coupable (mais y a t il eu crime?) semble évident. L'intrigue y est peut-être même plus claire et mieux menée que dans d'autres mais bon j'avoue avoir
un gros faible pour le côté brouillon de Dickens (c'est sûrement pour ça que j'adore le bien touffu Ami Commun.
Je le conseille donc surtout à ceux qui veulent lire l'Ami Commun, mon préféré de Dickens jusqu'à présent. Hélas, si
vous n'êtes pas anglophone, vous serez obligés de desserrer largement les cordons de la bourse pour cette édition luxueuse (à moins qu'il en existe d'autres que je ne connais pas). Ceci dit,
tourner délicatement les pages de papier bible d'un roman de Dickens dans l'édition de la Pléiade, confortablement installé dans un vieux fauteuil (sans la tasse de thé avec motif à fleur, merci
bien) est un plaisir vraiment délicieux.
Quelques citations:
(Edwin Drood rend visite à sa fiancée Rosa Bud au pensionat:)
"Et comment s'est passé votre anniversaire, Pussy?
- Délicieusement! Tout le monde m'a offert un cadeau. Et puis nous avons fait un festin. Et puis le soir il y a eu un bal.
- Un festin et un bal, vraiment? Il semble que ces réjouissances se passent fort bien de moi, Pussy.
- Délicieusement!" s'écrie Rosa dans un élan tout à fait spontané et sans affecter de faire la moindre réserve.
"Ah! Et quel était le menu de ce festin?
- Des tartes, des oranges, des gelées et des crevettes.
- Vous aviez des cavaliers pour le bal?
- Nous dansions entre nous, bien sûr, monsieur, mais certaines des filles faisaient semblant d'être leurs frères. C'était trop drôle!
- Quelqu'un a-t-il fait semblant d'être…
- D'être vous? Oh! Grands dieux oui!" s'écrie Rosa en riant de bon cœur. "C'est par là que nous avons commencé.
- J'espère qu'elle jouait bien son rôle", dit Edwin d'un air peu convaincu.
"Oh! elle était excellente. Mais je n'ai pas voulu danser avec "vous", vous savez."
Edwin ne semble pas voir très bien pourquoi. Il demande à Rosa s'il peut se permettre de lui en demander la raison.
"C'est parce que j'étais si lasse de vous", répond-elle. Puis, voyant la contrariété qui se peint sur le visage d'Edwin, elle se hâte d'ajouter sur un ton implorant: "Cher Eddy, vous étiez tout aussi las de moi, comprenez-vous.
- Ai-je dit cela?
- Le dire? L'avez-vous jamais dit? Non, vous vous êtes borné à le montrer. Oh! Elle vous imitait si bien!" s'écrie Rosa, soudain transportée d'admiration pour son pseudo-fiancé.
"J'ai l'impression que cette fille doit être diablement effrontée, dit Edwin Drood."
(Description d'un personnage:)
"Durdles est un maçon, spécialisé dans la construction de pierres tombales, caveaux et monuments funéraires, et entièrement couleur pierre de la tête aux pieds. Personne n'est plus connu que lui à Cloisterham, c'est l'original patenté de l'endroit. Les trompettes de la renommée proclament que c'est un travailleur prodigieux (ce qu'il est peut-être, pour autant qu'on le sache, car il ne travaille jamais) et un prodigieux abruti, ce que chacun sait qu'il est. Il connaît mieux la crypte de la cathédrale qu'aucune autorité vivante – ou même morte, peut-être."